Hopital Saint-Antoine - Bâtiment Kourilsky - 6ème étage - 184, rue du Faubourg Saint-Antoine, 75012 Paris, France
La mucoviscidose (CF pour Cystic fibrosis) est une maladie génétique due à des variants du gène codant pour le canal chlorure CFTR (Cystic Fibrosis Transmembrane conductance Regulator). Plus de 2000 variants de CFTR sont décrits, le plus fréquent étant F508del. Bien que la mucoviscidose soit une maladie monogénique, une importante diversité phénotypique est observée chez les patients portant de mêmes variants de CFTR. En dehors de facteurs environnementaux, des gènes modificateurs contribuent à cette variabilité. Cette maladie touche plusieurs organes comme le pancréas, le foie, l’intestin, et plus sévèrement les poumons. Au niveau des voies aériennes, l’absence d’un CFTR fonctionnel conduit à une clairance mucociliaire altérée, des infections chroniques, une inflammation exacerbée et une destruction du tissu pulmonaire. L’atteinte pulmonaire reste la cause principale de morbidité et de mortalité.
Trois axes de recherche sur la mucoviscidose sont principalement développés dans notre laboratoire : les gènes modificateurs, des stratégies thérapeutiques ciblant les ARNs, la réponse des cellules épithéliales bronchiques suite à une infection microbienne.
Les gènes modificateurs
Association genotype/phénotype
Notre objectif est d’identifier et comprendre la fonction des gènes et des variants sur la variabilité phénotypique des personnes atteintes de mucoviscidose. Notre équipe coordonne une étude nationale de recherche de ces gènes modificateurs : 4900 patients inclus (~75 % des patients français, participation de l'ensemble des 47 centres de ressources et de compétences de la mucoviscidose (CRCM)). Nous avons récemment identifié : des facteurs de risque clinique (Boelle et al. Hepatology. 2019) et génétique (SERPINA1 ; Boelle et al. Genet Med. 2019) pour la maladie hépatique sévère de la mucoviscidose ; plusieurs gènes associés à l’infection pulmonaire (TNF, DCTN4, SLC9A3, CAV2 : Mesinele et al. J Cyst Fibros. 2022) et à la variabilité de la réponse aux modulateurs de CFTR (ivacaftor/SLC26A9 : Corvol et al. Front Pharmacol. 2018 ; lumacaftor/ivacaftor/SLC6A14 : Mesinele et al. J Pers Med. 2022). Nous avons aussi réalisé des études de génétique fonctionnelle pour évaluer l'impact des gènes identifiés comme FAM13A (Corvol et al. J Cyst Fibros. 2018). Nous recherchons actuellement de nouveaux gènes modificateurs associés notament à l’infection à P. aeruginosa et à l’atteinte hépatique.
En collaboration avec des équipes nord-américaines, nous avons participé au développement de nouveaux modèles biostatistiques d’analyse des gènes modificateurs (e.g. Sun et al. HGG Adv. 2022) et identifié (GWAS et analyses de gènes candidats) des gènes associés à la sévérité de la maladie pulmonaire (MUC4/MUC20, SLC9A3, HLA Class II, AGTR2/SLC6A14, EHF/APIP) (ex : Polineni et al. Am J Respir Crit Care Med. 2018) et au diabète de la mucoviscidose (SLC26A9, TCF7L2) (ex : Lin et al. Genet Med. 2021).
Etude fonctionnelle de SLC6A14
Au niveau fonctionnel, nous étudions SLC6A14, identifié comme gène modificateur de la sévérité de l’atteinte pulmonaire des personnes atteintes de mucoviscidose (Corvol et al. Nat Commun. 2015). Nous souhaitons comprendre comment ce gène qui code pour un transporteur d’acides aminés module l’atteinte pulmonaire (Ruffin et al. Cell Mol Life Sci. 2020). Nous avons mis en évidence que son inhibition induit une diminution de la réparation épithéliale bronchique (Mercier et al. Front Mol Biosci. 2022). Nous étudions désormais son implication dans la régulation de la réponse à l’infection à P. aeruginosa et le maintien de l’intégrité épithéliale bronchique via la régulation de production d’oxide nitrique.
Stratégie thérapeutique ciblant les ARNs
Notre objectif est de proposer une thérapie indépendante des variants de CFTR. Nous developpons une startégie alternative à celle ciblant les ARNs de CFTR (Sonneville et al. Am J Pathol. 2015 ; Bardin et al, Front Pharmacol, 2018 ; Bardin et al, Med Sci, 2018) et concernant toutes les personnes atteintes de mucoviscidose, quelques soient leurs variants de CFTR. Nous avons développé une molécule empêchant la fixation d'un microARN qui inhibe le canal chlorure ANO1/TMEM16A (6 brevets internationaux). Sur des modèles cellulaires, cette molécule est capable de corriger différents paramètres dérégulés dans la mucoviscidose comme la sécrétion des ions chlorures, la clairance mucociliaire et la réparation tissulaire (Sonneville et al. Nat Commun. 2017). Nous avons également montré que cette molécule permet d’améliorer la survie de souris F508del homozygotes. Notre objectif étant de dévelloper cette molécule en clinique, nous avons crée la startup Anoat Therapeutics en 2023. En parallèle, nous avons également montré que certains miARN participeraient à l’exacerbation de l’inflammation pulmonaire chez les personnes atteintes de mucoviscidose (Bardin et al. J Pathol. 2018). Ces travaux se poursuivent actuellement pour trouver de nouvelles approches thérapeutiques en se basant sur notre expérience précédente.
Etude de la réponse des cellules épithéliales bronchiques suite à une infection
L'acquisition d'une infection microbienne est une étape clé dans l'évolution de la la maladie pulmonaire de la mucoviscidose. La situation est particulièrement critique chez les enfants de moins de cinq ans qui développent des infections bactériennes pulmonaires chroniques à P. aeruginosa. Les infections fongiques sont également en recrudescence depuis les dernières décennies. Aspergillus fumigatus est le champignon filamenteux le plus souvent isolé dans les sécrétions respiratoires des patients atteints de maladies respiratoires chroniques telles que la mucoviscidose et la BPCO. Nous nous intéressons également aux infections virales, et particulièrement au SARS-CoV-2 depuis le début de la pandémie. L’objectif est de mieux comprendre les intéractions entre les cellules épithéliales bronchiques (CEB) et les pathogènes, en particulier P. aeruginosa, A. fumigatus et SARS-CoV-2.
• P. aeruginosa
Nous étudions le rôle de protéines appelées Septines (SEPT) dans l’interaction des CEB avec P. aeruginosa. Dans d'autres contextes, ces protéines du cytosquelette ont été impliquées dans le maintien de l'intégrité épithéliale (perméabilité et réparation), la réponse inflammatoire, les interactions hôte-pathogène et l'internalisation des pathogènes. La modulation de l'expression, de la localisation et/ou de l'activité des SEPT pourrait avoir des conséquences importantes sur la réponse aux infections respiratoires chez les personnes atteintes de mucoviscidose. Nous développons de nouvelles stratégies thérapeutiques contre P. aeruginosa en étudiant l’effet de peptides antimicrobiens et en caractérisant le rôle de la toxine EXOY de cette bactérie.
• A. fumigatus
Nous recherchons les récepteurs cellulaires et ligands fongiques impliqués dans l’interaction entre les CEB et A. fumigatus. Dans ce contexte, nous avons montré que la lectine fongique FleA exprimée par les spores d’A. fumigatus induit une inhibition de la formation des filaments sur les CEB (Richard et al. Sci Rep, 2018). Nous étudions également les mécanismes épigénétiques de la mémoire immunitaire innée des CEB. En effet, leur exposition à un composant bactérien comme la flagelline de P. aeruginosa, modifie leur réponse inflammatoire aux pathogènes rencontrés lors d’une seconde infection survenant à distance (Bigot et al. Front Immunol. 2020 ; Bigot et al. J Fungi. 2022). Enfin, l’arsenal thérapeutique anti-fongique limité et l’émergence de résistance aux azolés d’A. fumigatus nous conduisent à nous étudier des peptides antimicrobiens.
• SARS-CoV-2
Notre objectif est de déterminer et de comprendre la susceptibilité des personnes atteintes de mucoviscidose à l'infection par le SARS-CoV-2. Dans une étude observationnelle nationale (MUCOVID), nous avons montré que les personnes atteintes de mucoviscidose ne sont pas plus fréquemment infectées par le SARS-CoV-2 que la population générale (Corvol et al. J Clin Med. 2020). Néanmoins, les patients ayant une maladie pulmonaire plus avancée développent un COVID-19 plus sévère (Corvol et al. Clin Inf Dis. 2022). Parallèlement à ces études cliniques, nous avons montré que l'infection par le SARS-CoV-2 peut être favorisée par une pré-exposition à la flagelline de P. aeruginosa (Ruffin et al. Front immunol 2021).
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